
Fin 2017 a marqué à tout jamais la saga Star Wars avec un jeu vidéo décrochant la 2ème plus grosse polémique de la décennie – coucou cyberpunk- et un film canonique tout simplement honteux. Pour rappel, à la sortie de Star Wars Battlefront 2, l’intégralité du jeu ne se dévoilait qu’aux plus patients ou aux plus grosses bourses : 2100 dollars étaient nécessaires pour débloquer tout le contenu ou 6 heures de jeux quotidien pendant 2 ans… Oui oui, 2 ans ! La fureur des joueurs a obligé l’éditeur à revoir tout le système de progression légèrement pingre. Le système de micro transactions d’Electronic Arts est devenu un cas d’école à ne plus reproduire. Même si les FIFA et autres 2K resteront fidèles à ce modèle économique, EA n’aura pas le choix que de se rattraper auprès de Disney avec qui il avait négocié l’exclusivité d’exploitation de la saga intergalactique dans le 10ème art. La citation d’Obi Wan Kenobi peut résumer la parole de Disney envers EA pendant la fameuse débâcle : « Tu ne vends pas de bâtons de la mort, tu vas rentrer chez toi et penser à ton avenir. »
Deux ans plus tard, les premiers joueurs de Battlefront 2 -qui viennent tout juste de débloquer Dark Vador- peuvent enfin se dégourdir les pattes ! L’éditeur américain sort de sa besace un nouveau titre 100% solo, sans loot box, sans achats intégrés, sans DLC ou autre pass saisonnier : Star Wars Jedi : Fallen Order. Développé par Respawn, les papas de Titanfall, ce jeu d’action/aventure AAA a pour but d’enterrer les erreurs du passé dans une galaxie lointaine, très lointaine…
Une aventure réusith
Cal Kestis, ancien padawan se cache sur Bracca depuis l’Ordre 66. Comme tout bon jeune protagoniste dans cet univers, Cal est ferrailleur, aime la mécanique et a une sensibilité à la force. C’est d’ailleurs en utilisant cette dernière dans une situation périlleuse que Cal devient la proie des sœurs inquisitrices. Un équipage, composé d’une ancienne Jedi et d’un Robert Hue à 4 bras, porte secours au jeune fugitif. Ensemble, ils fuiront cette planète et chercheront à participer au rétablissement de l’Ordre Jedi. Vous l’aurez compris, cette histoire originale a le bon goût de ne pas suivre l’actualité cinématographique et de prendre place entre l’épisode 3 et le 4. Les références sont distillées avec justesse sans en faire trop, avec des moments qui raviront les fans. L’aventure s’intègre bien dans la période entre « la purge des Jedi » et « Rogue one », et ne cherche pas à imposer des enjeux démesurés qui seraient tût sans raison dans la suite de la saga. Mention spéciale au petit robot BD-1 et à Greez le capitaine du Mantis, sidekicks attachants et drôles. On ne retiendra rien de Cal mais il n’est pas insupportable, c’est déjà ça.

Je vais m’arrêter là concernant la narration afin d’éviter tout spoil. Bien que simpliste voir banale, l’épopée de notre jeune héros se laisse suivre avec plaisir pendant une vingtaine d’heure en Normal (Chevalier Jedi) et une bonne trentaine en Difficile (Maître Jedi). Abordons un point capital lors d’une adaptation : le traitement du matériau de base. Jedi : Fallen Order est très fidèle à l’univers avec ses costumes, décors, personnages créés pour l’occasion, le lore, ou encore son sound design. D’ailleurs, concernant la partie sonore, Stephen Barton a accompli une bonne composition en s’inspirant et en respectant le travail de John Williams. La proposition n’est jamais très loin des partitions emblématiques et enrichi avec cohérence l’œuvre musicale liée à Star Wars.
La guerre du clone
Respawn a tenté avec Fallen Order un mélange des genres assez inédit qui consiste à brasser une dose d’Uncharted, 3 grammes de Tomb Raider, 2 cuillères de Dark Souls et un zeste de Metroidvania. Ainsi, nous avons au programme : un bol de pop corns, des affrontements au sabre, de la plate forme et des énigmes. En premier lieu, Il y a bien entendu des scènes d’action dignes d’un Blockbuster avec quelques idées de mises en scène intéressantes et des envolées inattendues. La réalisation se prête bien au spectacle et la direction artistique est efficace. Les paysages sont variés et ne demandent qu’à être contemplés. On notera que le jeu tourne bien mieux qu’à la sortie en 2019 et que sur PS5, le 60 fps/1440p en post traitement est plaisant. Les niveaux sont donc jolis mais aussi vastes et bien construits. En revanche, la progression reste en général linéaire et le choix des destinations est finalement illusoire car notre avancée est vite bloquée sans le pouvoir adéquat. Et oui, à la manière d’un métroidvania, Cal va acquérir de l’expérience et des compétences permettant d’atteindre de nouvelles zones jusqu’alors inaccessibles. Ainsi, des allers-retours vers les anciens niveaux seront nécessaires pour tout découvrir. Heureusement, des raccourcis à la manière d’un « souls » permettent de traverser les niveaux rapidement.

La transition est parfaite pour détailler les combats et certaines mécaniques empruntées à FromSoftware. Notre jeune héros va apprendre au cours de sa quête initiatique à maitriser la force et son sabre. Le combat est un des plus gros atouts de ce Fallen Order. Le feedback est excellent et c’est un minimum technique avec un système de garde à briser pour atteindre l’ennemi. De fait, chaque affrontement a un intérêt avec la garde, les enchaînements possibles, l’utilisation de la force, les esquives et la maîtrise des timings de soins et de contres. Lorsqu’il y a plusieurs opposants, c’est jubilatoire d’alterner entre renvoi de tirs de blasters et découpages de stormtroopers, mais je trouve aussi que l’équilibrage prend souvent un coup dans l’aile. Petit aparté sur le ressenti un peu lourd de notre padawan : même si nous sommes dans un souls-like et que nous incarnons un jeune éphèbe, j’aurais aimé que les duels soient un peu plus aériens. À chaque mort, Cal repart du dernier point de sauvegarde et doit retourner toucher l’ennemi qui l’a tué pour récupérer l’expérience en cours et une barre de santé pleine. La peur de mourir est moindre comparé à un Demon souls car il y a une validation de paliers d’expériences qui ne peuvent être perdues. Pour ceux qui veulent juste suivre l’histoire, la difficulté « chevallier jedi » est parfaite mais avec un système de combat aussi sympa, je conseille vivement de parcourir l’aventure en difficulté « Maitre Jedi » quitte à rétrograder au boss de fin (qui n’est pas une mince affaire).

Enfin, il faut préciser que Cal ne doit pas seulement être doué dans le maniement du sabre, il va devoir se remuer les méninges et faire preuve de logique pour traverser les temples. Et oui, des temples vous attendent car une part du scénario est liée à l’archéologie. On y retrouvera de la plate forme, des ennemis et des énigmes pas si mal conçues. C’était assez inattendu dans un jeu estampillé Star Wars et cela pourrait décevoir, mais l’ensemble est bien exécuté. Respawn n’a pas qu’emprunté des idées de gameplay chez tout le monde mais ils ont aussi réemployé une des leur, issue de TitanFall : la course sur les murs. Donc autant dire qu’avec Jedi : Fallen Order, le coût de recherche et développement est largement amorti. Alors certes, cela ajoute du dynamisme et apporte le coté aérien qui manque dans les combats mais c’est un peu too much, surtout quand c’est combiné aux glissades. Les imitations des codes provenant de genres différents sont respectables mais ne dépassent jamais les modèles originaux. Il n’y a pas la profondeur d’un Sekiro avec ses combats grisants ou le savoir faire d’un Naughty dog dans la maîtrise du rythme, de la narration et de la mise en scène. À défaut d’innover, ce pot pourri fonctionne et s’adapte bien à une aventure Star Wars.

Un Sky -Johnny- Walker
J’aimerais m’arrêter ici mais il faut bien admettre que ce Jedi : Fallen Order n’est pas exempt de défauts. On évoquera d’abord le manque de polish global qui se dégage du titre. On pourrait se moquer gentiment de certaines animations ou de la vieille tronche des Wookiees mais ce sont surtout les bugs visuels qui rebutent, surtout 2 ans après sa sortie. Entre les textures qui bougent toutes seules pendant les cinématiques et les artefacts dans le décor, ce n’est pas toujours parfait. De plus, il y a une pirouette pour masquer les temps de chargement qui est employée à outrance : les fissures dans le mur. Vous vous rappelez de la courte échelle dans The last of Us ? Et bien là, c’est pareil, mais multiplié par 3. Soyez prêts à voir Cal se faufiler avec style dans des failles étroites tous les 100 mètres. Espérons que la nouvelle génération de console nous épargnera ce type de cache misère.

Avant de terminer, j’aimerais soulever un paradoxe présent dans la dernière œuvre en date de Respawn. Tous les cosmétiques habituellement vendus à part dans les productions d’EA sont intégrés dans l’aventure. C’est bien sympa à priori, mais finalement, l’intérêt de l’exploration devient limité -un comble dans un métroidvania- car 95% des coffres à découvrir vont proposer des skins ou des tenues. Personne n’aime se taper un aller retour de 15 minutes pour un poncho blanc. En plus, quitte à personnaliser des éléments, il y avait moyen de faire bien plus fun et original. Un mot pour finiir sur les boss et le bestaire que Cal affrontera à travers sa quête. Ce dernier est correct dans l’ensemble bien qu’il manque vraiment de folie. Un Jedi qui se prend une rouste par une chèvre fera sourire tout le monde mais les midboss, simple version plus forte des mobs déjà battus, sont symptomatiques de ce manque de variété. Il y a quelques surprises mais c’est léger. En revanche les combats de boss, trop peu nombreux, sont géniaux avec de vrais duels.
Résumé :
Electronic Arts devait se faire pardonner après la débâcle « Battlefront » et ils ont proposé une belle lettre d’excuse avec ce Jedi : Fallen Order. Imparfait mais attachant, on passe un bon moment en sa compagnie. On pourrait même croire qu’EA n’est pas derrière cette aventure solo épargnée de toute sournoiserie commerciale. Star Wars Jedi : Fallen Order mérite sa trilogie avec un bestiaire plus varié, de meilleures finitions et un scénario qui tient la route. Dans tous les cas, les fans de la licence ne seront pas déçus surtout s’il est trouvé à moins de 25 € sur le store par exemple.
Bien | Pas bien |
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Une bonne aventure solo Star Wars, ça fait du bien! | La finition en général |
Mélange de plusieurs genres qui fonctionne | Les midboss |
Les combats | N’invente rien |
Certaines mises en scènes sortent du lot | Le cosmétique gratuit mais trop présent et inintéressant |
La construction des niveaux | |
Greese et Bd-1 |